LA GRANDE OMBRE by Arthur Conan Doyle

LA GRANDE OMBRE by Arthur Conan Doyle

Auteur:Arthur Conan Doyle [Doyle, Arthur Conan]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Historique
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2011-01-14T05:00:00+00:00


VIII – L'ARRIVÉE DU CUTTER

Depuis le petit incident de la Tour d'alarme, mes sentiments à l'égard de notre locataire n'étaient plus les mêmes.

J'avais toujours l'idée qu'il me cachait un secret, où plutôt qu'il était à lui seul un secret, attendu qu'il tenait toujours le voile tendu sur son passé.

Et lorsqu'un hasard écartait pour un instant un coin de ce voile, c'était toujours pour nous faire entrevoir, de l'autre côté, quelque scène sanglante, violente, terrible.

L'aspect seul de son corps faisait peur.

Un jour que je me baignais avec lui, pendant l'été, je vis qu'il était tout zébré de blessures. Sans compter sept ou huit cicatrices ou estafilades, il avait les côtes, d'un côté, toutes déjetées, toutes déformées. Un de ses mollets avait été en partie arraché.

Il rit de son air le plus gai en voyant mon étonnement.

– Cosaques ! Cosaques ! dit il en promenant sa main sur ses cicatrices. Les côtes ont été brisées par un caisson d'artillerie. C'est chose fort mauvaise quand des canons vous passent sur le corps. Ah ! quand c'est de la cavalerie, ce n'est rien. Un cheval, si rapide que soit son allure, regarde toujours où il pose le pied. Il m'est passé sur le corps quinze cents cuirassiers et les hussards russes de Grodno sans avoir eu grand mal. Mais les canons, c'est très mauvais.

– Et le mollet ? demandai-je.

– Pouf ! C'est seulement une morsure de loup, dit-il. Vous ne croiriez jamais comment j'ai attrapé cela. Vous saurez que mon cheval et moi, nous avions été atteints, lui tué, et moi les côtes brisées par le caisson. Or il faisait un froid… un froid si âpre, si âpre ! Le sol dur comme du fer, et personne pour s'occuper des blessés, de sorte qu'en gelant ils prenaient des attitudes qui vous auraient fait rire. Moi aussi, je sentais, le gel m'envahir. Aussi, que fis-je ? Je pris mon sabre, et je fendis le ventre à mon cheval mort. Je fis comme je pus. Je m'y taillai assez de place pour y entrer, en laissant une petite ouverture pour respirer. Sapristi, il faisait bien chaud là-dedans. Mais je n'avais pas assez d'espace pour y tenir tout entier. Mes pieds et une partie de mes jambes dépassaient. Alors la nuit, pendant que je dormais, des loups vinrent pour dévorer le cheval, et ils m'entamèrent aussi quelque peu, comme vous pouvez le voir ; mais après cela je veillai, pistolets en main, et ils n'en eurent pas davantage de moi. C'est là que j'ai passé très commodément dix jours.

– Dix jours ! m'écriai je, et que mangiez – vous ?

– Eh bien, je mangeais le cheval. Il fut pour moi ce que vous appelez la table et le logement. Mais naturellement j’eus le bon sens de manger les jambes et de ne pas toucher au corps. Il y avait autour de moi un grand nombre de morts qui tous avaient leur gourde à eau, de sorte que j'avais tout ce que je pouvais souhaiter. Et le onzième jour arriva une patrouille de cavalerie légère.



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